La Guyane est le département français le plus touché par le VIH avec un taux d’incidence de 0,90 pour 1 000 en 2018 [ARS Guyane, 2022]. Avec la crise sanitaire liée au Covid-19, les possibilités d’actions de prévention et de dépistage en santé sexuelle ont été limitées.
Depuis plusieurs mois, dans le cadre du projet Oyapock Coopération Santé, nous constatons une augmentation inquiétante des dépistages positifs au VIH sur les rives brésiliennes et guyanaises :
- A Oiapoque (Brésil), une action de dépistage début 2022 a conduit à 7 découvertes de séropositivité pour 40 tests effectués.
- A Saint-Georges de l’Oyapock (Est Guyanais, France), 13 personnes ont été dépistées positives au premier semestre 2022 dont 9 en stade sida.
- A Camopi, commune amérindienne isolée jusque-là préservée du VIH, 2 personnes ont été diagnostiquées positives.
Du 12 au 22 septembre 2022, des deux côtés du fleuve Oyapock, une action transfrontalière coordonnée de dépistage intensif du VIH et des hépatites B et C a été mise en place par le Centre Hospitalier de Cayenne, l’association brésilienne DPAC Fronteira et les associations françaises D.A.A.C Guyane et IDsanté. L’objectif était double :
- Dépister et traiter simultanément les habitants du bassin de l’Oyapock,
- Obtenir des données objectives de la situation du VIH à la frontière franco-brésilienne
L’action a reçu un accueil très positif des populations de part et d’autre de la frontière, avec plus de 50 personnes testées par jour en moyenne. Sur chaque stand, une offre de dépistage multiple (VIH, hépatite B, hépatite C, syphilis, glycémie capillaire, mesure de la tension) était adaptée selon les quartiers ciblés.
Au total :
A Saint-Georges de l’Oyapock, les équipes pluridisciplinaires de soignants et de médiateurs ont installés les stands de dépistage dans près de 18 quartiers pour atteindre des populations éloignées du soin. Première campagne hors-les-murs d’envergure sur le VIH et les IST depuis la pandémie de COVID-19, elle a rendu la prévention et le dépistage accessible à tous les participants. Près de 40 professionnels et bénévoles ont été impliqués au cours de ces 10 jours d’action avec des renforts associatifs (Entr’Aides Guyane), des infectiologues de Cayenne et l’appui du COREVIH.
Un parcours dédié, avec un accompagnement privilégié par un médiateur a permis de faciliter la prise en charge de toutes les personnes orientées vers le CDPS que ce soit dans le cadre d’un TROD positif ou d’une pathologie chronique en rupture de suivi.
L’absence de tests VIH positifs au cours de cette action ne signifie pas que l’épidémie de VIH à la frontière est contrôlée mais pourrait témoigner d’une prévalence du VIH en population générale égale à celle de la Guyane (0,9 pour 1000, ARS 2018) ou de l’Etat de l’Amapa. Les dépistages tardifs (en stade sida) enregistrés au premier semestre 2022 et les résultats de cette campagne incitent à poursuivre les actions de prévention en ciblant davantage les publics vulnérables, plus difficiles à atteindre. Enfin, au-delà des résultats des tests, des habitants n’avaient jamais été testés pour le VIH, l’action transfrontalière a ainsi permis à 31% des participants de prendre connaissance de leur statut sérologique pour la première fois.
Cette campagne a donc constitué la première étape d’une stratégie de recherche des personnes vivant avec le VIH qui n’ont pas connaissance de leur statut. Trois approches complémentaires seront déployées entre 2022 et 2023 pour avancer des deux côtés de la frontière dans la prévention primaire et secondaire du VIH :
- Renforcer les actions de dépistage de proximité, hors des centres de soin : évènementiels et actions dans les quartiers
- Développer le dépistage communautaire au sein des associations locales brésiliennes et françaises
- Maintenir une proposition de dépistage VIH lors des consultations au centre de santé de Saint-Georges
Pour en savoir plus :